Cet ouvrage réunit trois textes écrits au tournant du XXe siècle (et jamais réédités dans leur entièreté) qui décrivent l'état du « domaine » de Monet à Giverny, notamment du fameux jardin, que l'artiste a commencé à profondément remodeler depuis qu'il en est devenu propriétaire quelques années auparavant. Arsène Alexandre, critique d'art réputé, aujourd'hui assez oublié, a le mérite de souligner que le jardin est en train de devenir une oeuvre de Monet et qu'il est un des meilleurs outils pour comprendre l'esprit du peintre.
Qui était Rosemonde R. Wilms ? Il est très difficile de le savoir et le personnage reste entouré d'une aura de mystère. Journaliste éphémère, auteure d'un seul ouvrage Réflexions d'une innocente en 1934, on ne connaît ni ses date et lieu de naissance ni ceux de son décès. Il est possible que ce nom soit un pseudonyme. Rosemonde apparaît dans le milieu du journalisme artistique en 1930 ; elle collabore au journal La République, à Candide et surtout à L'Intransigeant. « Free lance » et jouant la naïve, elle va rencontrer Braque, Derain, Picasso et Léger, mais aussi la fille de Bergson et le dramaturge russe Meyerhold. Elle assiste à une représentation du cirque de Calder et décrit la fin du Cirque Métropole. On la trouve en 1936-37 dans l'entourage de Dora Maar, Picasso, Eluard, Lee Miller et Man Ray, sur la Côte d'Azur. Jolie femme, elle pose nue pour ses amis photographes. Puis, plus rien... Il ne nous reste plus qu'à lire ses textes...
L'année 1929 est une année clé dans l'histoire de la photographie mondiale : la grande exposition Film und Foto est présentée du 18 mai au 7 juillet à Stuttgart. Organisée par Gustav Stotz, qui a su mobiliser autour de lui de nombreuses compétences internationales, l'exposition, appelée familièrement Fifo, marque les esprits ; elle va tourner ensuite dans une version réduite à Zurich, Berlin, Dantzig (Gdansk), Vienne, Agram (Zagreb), Munich.
Dès janvier 1929, dans la revue L'Art vivant, Jean Gallotti commençait la publication d'une série « La photographie est-elle un art ? » Jean Vidal (1904-2003), alors journaliste à L'Intransigeant, a saisi que quelque chose était dans l'air. Après un premier article annonçant son enquête, il visite quatre photographes (Kertesz, Krull, Man Ray, Tabard) qu'il interroge sur leur art. Tous sont nés dans les années 90 du XIXe siècle et ont donc alors entre trente et quarante ans. Ils participent aux revues Bifur, VU, Jazz, Variétés, Documents...
Cette suite d'articles de J. Vidal, fort intéressante, publiée entre février et avril 1930, n'a jamais encore, à notre connaissance, été réunie et rééditée
En décembre 1908, le peintre Émile Bernard a quarante ans et se trouve dans une étrange situation. Il a été très jeune un peintre novateur, a travaillé aux côtés d'amis de la trempe de Gauguin et Van Gogh. Plusieurs de ses amis sont morts prématurément ; profondément déçu, il est parti vers l'Italie, la Grèce, la Turquie, l'Égypte où il s'est installé et marié, l'Espagne. Pourquoi, en cette fin d'année 1908, confie-t-il au Mercure de France un article sur le père Tanguy, le marchand de couleurs de la rue Clauzel à Paris, alors que plus personne ne se soucie de cette figure oubliée, décédée voici quatorze ans ? Très probablement pour s'acquitter d'une dette morale. Tanguy lui avait fait confiance et l'avait aidé lorsqu'il avait eu à affronter l'hostilité de son père quand il avait décidé de devenir peintre. Lorsque Tanguy meurt en février 1894, Émile Bernard est au Caire. Dans une étonnante lettre à sa mère, le 15 février, il confie qu'il a eu deux pères : son père naturel et Tanguy. « Remercie bien Père de tout ce qu'il m'a témoigné d'affection en se montrant si bon envers Tanguy. Mais sache une chose. C'est que Tanguy l'ayant parfois remplacé, me l'a fait aimer en développant en moi l'amour. Maintenant que voilà dix ans que je peins, je puis dire que voilà dix ans que j'ai eu deux pères. » Il confie à la même époque à son ami Andries Bonger : « Sans Tanguy, que serais-je devenu il y a dix ans lorsque je me trouvais vis-à-vis de mon père furieux contre moi, contre mon désir d'art et l'impuissance de ma mère à m'aider en ce désir. J'étais sans couleurs, sans argent, souvent même sans avoir à manger lorsque j'allais à Paris voir les chefs-d'oeuvre du Louvre. [...] Tanguy s'est trouvé sur mon chemin et c'est grâce à lui que cette carrière s'est ouverte pour moi sans épines. Plus, il fit même ma première éducation : les Cézanne me furent montrés et expliqués par lui. [...] Ainsi ma vocation s'éveilla, plus vivace, plus ferme, plus sûre d'elle-même sans un doute, mais vinrent les heures découragées et c'est alors que la bonté et la résignation de ce presque père me furent utiles à voir. Lui, privé de tout, n'ayant même pas seulement une tranche de pain, donnait, espérait, aimait. » Cet ouvrage est donc une sorte d'hommage filial et le surnom populaire de « Père Tanguy » sous lequel Julien Tanguy est entré dans l'histoire avait pour Émile Bernard une résonnance toute particulière.
Depuis quand se penche-t-on pour lire un cartel à côté d'une oeuvre d'art ? Pas depuis longtemps. Il faut attendre le milieu du XXe siècle pour voir fleurir sur les murs des musées ces petits rectangles de bristol. Mais l'usage de cette étiquette que l'on ne peut lire qu'en s'inclinant vers elle, dans un geste qui semble empreint de déférence, est loin d'être anecdotique ni dépourvu d'effets quant à la manière dont nous approchons les oeuvres d'art.
Ecrivain et critique d'art, Michel Nuridsany a été le condisciple de Daniel Buren lorsque tous deux fréquentaient, au milieu des années 50, l'Ecole des Métiers d'art située alors dans l'Hôtel Salé, devenu depuis le Musée Picasso. Le rappel de lointains souvenirs est l'occasion d'un portrait stimulant de l'artiste, sous un angle singulier.
Au début de l'année 1914, Gaston Migeon, conservateur des objets orientaux au Louvre effectue un voyage den Russie. Comme il s'intéresse aussi beaucoup à l'art de son temps, il a la chance de pouvoir visiter les deux grands collectionneurs russes d'alors, qui ont acheté Monet, Degas, Gauguin, Picasso, Matisse, Bonnard et d'autres encore, alors que les musées français les dédaignaient. C'est ce témoignage rare que nous publions, accompagné de l'hommage de Migeon à un autre grand collectionneur et donateur, Isaac de Camondo
Ce texte et le premier jamais publié par Paul Gauguin ; il a paru en deux livraisons dans l'éphémère revue "La Moderniste illustré" , l'été 1889. Il n'avait à ce jour jamais été republié dans son intégralité et avec annotations. Gauguin réagit avec passion et malice à la présence de l'art "contemporain" dans la fameuse Exposition universelle de 1889, qui vit l'inauguration de la Tour Eiffel, la venue de danseuses balinaises et du "cirque" de Buffalo Bill.
« Une chronique, par un témoin de premier plan, allant de 2018 à 2020, relatant l'installation de David Hockney en Normandie pour y peindre « L'Arrivée du Printemps ». La sortie de cet ouvrage coïncidera avec une importante exposition d'oeuvres de l'artiste à la Galerie Lelong & Co. à Paris le 15 octobre ».
Je sens que je suis, que nous sommes, sur un océan, par une nuit très longue, plus longue que la nuit, un intervalle de temps tout noir, et il nous faut écouter la voix d'Ishmael, écouter parler Queequeg, regarder la nuit étoilée tout en lisant, ou avoir quelqu'un lisant tout haut, près de nous, le chef-d'oeuvre de Melville, afin d'entendre l'âme de ce continent s'exprimant dans toute sa grandeur, et toute sa misère, dans ces pages où l'étrange duel entre Achab et Moby Dick se voit renouvelé, pendant que nous regardons depuis le bateau. En pleine tempête.
La version inédite complète d'un entretien réalisé en 1986 avec le grand artiste américain (1914-1999) originaire de Roumanie et devenu mondialement célèbre pour ses superbes couvertures du New Yorker.
À l'école, en Roumanie, j'avais un uniforme militaire et un matricule, de sorte que j'avais l'impression que n'importe qui pouvait relever mon numéro et me dénoncer. Être juif en Europe, c'est savoir que la géographie et l'histoire sont provisoires, c'est aussi être toujours prêt pour l'émigration. Or l'émigration a des vertus, c'est comme une renaissance, on peut ainsi avoir une deuxième, une troisième, une quatrième vie. En se mettant dans la position inconfortable de l'immigrant, on retourne à l'enfance. Parmi mes nombreuses vies, il y en a une qui a duré très peu, environ un an, à Saint-Domingue. Je me considère comme mort à l'âge d'un an à Saint-Domingue.
"Je ne sais pas si le mot vocation est exact en ce qui me concerne. Je ne me rendais pas très exactement compte alors si je voulais être peintre. Il me semble bien que, à cette époque, ce qui m'attirait, ce n'était pas tellement l'art, mais plutôt la vie d'artiste avec tout ce qu'elle comportait, dans mon idée, de fantaisie, de libre disposition de soi-même. Certes depuis longtemps j'étais attiré par la peinture et par le dessin, mais sans que ce fût une passion irrésistible, tandis que je voulais à tout prix échapper à la vie monotone." P.
Bonnard à Raymond Cogniat, juillet 1933.
"C'est très difficile, la peinture. Et il y a dix ans à peine que je commence à m'y reconnaître...".
P. Bonnard à Maximilien Gauthier, décembre 1937
Cet entretien avec Henri Matisse a paru dans la revue "L'Art vivant" le 15 septembre 1925. L'entretien a eu lieu dans la maison d'Issy-les-Moulineaux, route de Clamart, où Matisse réside et travaille depuis 1909 et où il a fait construire un atelier. On ignore à quel moment précis s'est déroulé cet entretien. Matisse (1869-1954) a alors 56 ans, et son interlocuteur, lui, n'en a que 29. Le peintre est au mitan précis de ses années de création.
Sa première oeuvre date de 1890 et il expose depuis 1896 (dans deux salons) ; il a encore devant lui, mais il l'ignore bien sûr, presque 30 années de travail. Il est désormais un artiste largement reconnu, qui n'est plus considéré comme un "fauve" , ce qui n'était pas le cas lorsque Guillaume Apollinaire s'entretenait avec lui pour "La Phalange" en 1907. Ses nouvelles oeuvres, réalisées pour la plupart à Nice où il fait de longs séjours, sont alors généralement considérées comme plus "sages" .
Il vient de recevoir la Légion d'honneur. Dans le "Bulletin de la vie artistique" (que dirige Félix Fénéon), du 1er octobre 1925, on peut lire : "Interviewer Henri Matisse n'est point tâche facile. Ne pas trahir sa nette pensée est plus difficile encore. Il faut rendre à M. Jacques Guenne cette justice : où tant d'autres auraient échoué, il a pleinement réussi" .
Dans les années 20 et 30, le jeune peintre Emile Compard a la chance de fréquenter le peintre Pierre Bonnard et le grand critique Félix Fénéon ; il a l'occasion après la seconde guerre mondiale de publier ses souvenirs dans deux publications devenues très difficiles d'accès aujourd'hui ; nous rééditons ces textes accompagnés de lettres et notes inédites.
Loin d'avoir une origine purement littéraire, comme on l'a trop souvent prétendu, le mannequin "métaphysique" est issu d'une recherche autonome et purement formelle du peintre Giorgio De Chirico (1888-1978). Né en opposition au "mannequin réaliste" des vitrines parisiennes et à l'homme-machine théorisé par l'avant-garde futuriste, le mannequin métaphysique résulte également d'une approche répétée des simulacres de la figure humaine, à savoir la statue, l'ombre, le double et la marionnette, qui incarnent les différentes possibilités de représenter l'être humain en le saisissant dans sa forme matérielle, entre le vivant et l'inanimé.
Une étude minutieuse et très argumentée de la question du mannequin dans l'oeuvre de De Chirico, à l'occasion de l'exposition consacrée à l'artiste par l'Orangerie des Tuileries à Paris du 1er avril au 13 juillet 2020.
C'est le Picasso de l'immédiat après-guerre que nous présente ce texte d'Anatole Jakovsky, paru en revue et jamais réédité dans sa totalité depuis sa parution en 1946. Jakovsky, venu de Pologne s'installer à Paris au début des années 30, connaissait Picasso depuis 1934. C'est en confiance qu'il le rencontre à l'atelier des Grands- Augustins où Picasso a succédé à Jean-Louis Barrault en 1937 et où il a peint Guernica. Jakovsky décrit les lieux et recueille les propos de l'artiste. Le texte est complété par deux autres articles méconnus.
L'Académie Julian a` Paris, institution indépendante, a vu passer dans ses ateliers, entre le dernier quart du XIXe siècle et la première moitié du XXe, quantité d'artistes débutants et alors inconnus : de Nolde à Matisse, de Duchamp à Léger, de Bonnard à Kupka ; mais aussi et surtout des femmes, en un temps où l'Ecole des Beaux-arts ne les admettait pas. Y étudièrent entre autres Marie Bashkirtseff, Louise Breslau et plus tard Louise Bourgeois. Ce texte de 1881 raconte avec une certaine verve les débuts de l'Académie.
Une fois à Paris, j'achetai les Mémoires d'Hadrien et m'y plongeai. Je fus sidérée. Il 's'y trouvait la Méditerranée que je connaissais, que je portais en moi et avec moi, avec laquelle je partageais des secrets,. des complicités, des mythologies personnelles. Et je voyais là une femme qui l'aimait de la même façon, avec le même type de passion physique totale qué le mien. Comme tant de ses lecteurs, je l'ai découvert plus tard, je l'avais quasiment identifiée avec Hadrien et je lui attribuais la vie de l'empereur.